Bras et jambes repoussent grâce à l’électricité

Nous sommes ébahis devant une étoile de mer qui se fait « repousser un bras », devant une salamandre a qui repousse un membre perdu, mais il faudrait crier au scandale lorsqu’un scientifique nous apporte une preuve qu’un humain (l’être vivant supposé être au sommet des espèces sur terre) serait capable de le faire…

Faudrait savoir ce que l’on veut !

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« Bras et jambes coupés repoussent grâce à l’électricité »
Un médecin américain, le Dr BECKER, a réussi à « dé-différencier » les cellules d’une cicatrice chez l’animal.
Elles repoussent alors comme des cellules d’embryon. Puis elle se « dé-différencient » en os, peau, chair, etc…
Il y a quelques années, un médecin qui se serait hasardé de parler de régénération de membres amputés se serait fait traiter de rêveur ou de charlatan.Aujourd’hui la très sérieuse association médicale américaine (AMA) entrevoit la possibilité de faire repousser des bras ou des jambes coupés amputés. De régénérer, également, un muscle cardiaque atteint par la maladie. Grâce à un courant électrique précisément dosé, une équipe du VÉTÉRANS ADMINISTRATION HOSPITAL, SYRACUSE (NEW YORK), a déjà réussi, après amputation, à faire pousser des ébauches de membres sur des rats et des grenouilles, animaux chez lesquels cette régénération ne se fait pas spontanément. Selon le docteur ROBERT O. BECKER, directeur de recherches à l’hôpital de SYRACUSE, l’électricité agit en modifiant l’équilibre hormonal au niveau de l’amputation. Le docteur Becker vient de terminer une expérience sur quatre groupes de rats, chez lesquels on avait amputé les membres antérieurs. Le groupe 1 n’était pas traité, la cicatrisation se faisant naturellement. Chez les rats du groupe 2 on avait implanté sur le site de l’amputation des électrodes génératrices de courants faibles, et chez ceux du groupe 3, de courants forts. Le groupe 4 recevait un courant qui était considéré, sur la base d’autres expériences comme étant le plus favorable à la régénération. Résultats: les rats du groupe 1 avaient une cicatrisation normale. Dans le groupe 2, la cicatrisation était accompagnée de formation osseuse, alors que dans le groupe 3, on voyait de la destruction osseuse. « Dans le groupe 4, nous avons observé, chez un pourcentage élevé des animaux, la régénération d’une partie des membres amputés, une régénération organisée et portant sur plusieurs tissus », constatait le Dr. Becker. « Les tissus régénérés étaient l’os, le cartilage, la moelle osseuse, le muscle, les nerfs et les vaisseaux sanguins. Quoiqu’il n’y ait eu, dans aucun cas, la formation d’un membre complet, l’organisation de la partie régénérée était bien supérieure à tous ce qui a pu être obtenu jusqu’à présent avec n’importe quelle technique. »
L’intensité du courant nécessaire à la stimulation de l’activité cellulaire doit être précisément déterminée. Dans l’expérience avec les rats, les meilleurs résultats étaient obtenus avec un courant de 3 à 6 nanoampères (ou milliardièmes d’ampère. À titre de comparaison, une batterie d’automobile se situe à 6 ampères environ). L’électricité fait que les cellules se « re-différencient » pour se transformer en blastocytes, embryons cellulaires qui n’ont encore commencé à jouer aucun rôle précis. Ces cellules ensuite se « re-différencient » pour s’organiser en tissus correspondant à une partie du membre manquant. Le mécanisme ressemble à celui qui existe naturellement chez la salamandre : car chez celle-ci, la régénération commence lorsque se produit, à l’endroit de la blessure ou de l’amputation, un courant électrique, qui transforme également les cellules en blastocytes. Intervient aussi une substance hormonale, la prolactine, qui sensibilise les cellules au courant électrique. Le Dr Becker a réussi, en culture de tissus humains, à obtenir cette stimulation de la prolactine.

UNE CAPACITÉ PERDUE

Ce chercheur pense que les mammifères – dont les humains- ont également possédé, à un moment de leur évolution, cette capacité de régénération, qu’ils ont ensuite perdue. « Au fur et à mesure de l’évolution, une quantité toujours plus importante de l’activité électrique de l’organisme se concentrait dans le cerveau et le système nerveux central, plutôt que dans le corps entier, comme le cas de la salamandre« , dit-il. Quand aux « instructions » nécessaires à la régénération, elles sont inscrites dans les cellules, et particulièrement les cellules nerveuses. « Les animaux qui sont capables de régénération ne se trompent jamais » dit-il. « On ne voit jamais pousser une queue là ou il devrait y avoir une patte ou vice-versa. Et la régénération s’arrête au moment ou la dernière cellule nécessaire à la fonction est en place. »

Chez l’homme, ce qui reste de cette faculté perdue est la capacité d' »auto-réparer » une fracture. Souvent, le foie aussi peut régénérer des portions qui ont été chirurgicalement enlevées. Mais un autre organe vital, selon le Dr Becker, est aussi susceptible de régénération : le coeur. « Nous avons constaté que chez certains animaux, capables de régénération des membres, des portions du muscle cardiaque peuvent également se refaire – avec tous les mécanismes de contrôle normaux. » La connaissance du mécanisme de la régénération de ces systèmes, pense-t-il, rendrait possible la réparation du muscle cardiaque avec du muscle neuf – plutôt que son remplacement par du tissu cicatriciel, inerte et pouvant provoquer l’insuffisance cardiaque.

 

PAS D’EXERCICES PRÉMATURÉS

D’autres chercheurs avaient déjà constaté que la stimulation électrique pouvait encourager la réossification de fractures, et certains médecins ont même tenté d’utiliser cette technique sur l’homme.
Mais le Dr Becker, qui est également professeur de chirurgie orthopédique à l’université de l’État de New York, pense que ces applications sont prématurées.

« Les effets produits au niveau cellulaire par l’injection de courants infimes montrent que nous avons accédé à des systèmes de contrôle biologique très fondamentaux. Nous jouons avec l’étoffe même de la vie, et je pense qu’il peut être vraiment dangereux d’appliquer prématurément ces méthodes encore mal connues. »

L’équipe du Dr Becker a également démontré qu’il était possible d’encourager électriquement la régénération du cartilage dans les articulations; possibilité, donc, du traitement de l’arthrite. Quand à l’énergie électromagnétique, on sait qu’elle accélère la croissance osseuse, et la cicatrisation d’ulcérations de la peau. Un des projets du Dr Becker est de tenter, cette année de voir si l’activité électrique peut également être utilisée pour inhiber la croissance chez les patients cancéreux. « Il semble logique que si nous pouvons faire multiplier les cellules, nous devrions aussi pouvoir en inhiber la croissance. »

Ces premiers essais, dit-il, seront purement expérimentaux et il ne faut pas s’attendre à des guérisons. Les sujets seront des cancéreux sur lesquels tous les autres traitements connus ont échoué. Les travaux américains semblent donc se rapprocher de ceux d’ANTOINE PRIORÉ (SCIENCE & VIE nº 643 / avril 1971) ingénieur d’origine italienne qui a construit, à Bordeaux, une « machine électromagnétique » pour le traitement du cancer.

Le résultat de ses travaux, présentés par le Pr. Courrier, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, il y a une dizaine d’années, a donné lieu à la fameuse « affaire Prioré« , qui a défrayé les chroniques de la presse scientifique et de la grande presse.

Nombreux des résultats obtenus par Prioré dans le traitement du cancer expérimental ont été par la suite vérifiés par des observateurs indépendants, notamment par des chercheurs de l’Institut de cancérologie et d’immunogénétique que de Villejuif, qui ont non seulement constaté que certains animaux avaient été guéris de cancers expérimentaux, mais qu’une partie d’entre eux avaient acquis une immunité contre ces cancers. En France, la contreverse Prioré continue – divisant la communauté scientifique entre les « pour » et les « contre« ; mais Antoine Prioré a néanmoins reçu des subsides importants de la Défense et de la Délégation générale à la recherche scientifique.

Récemment, LORD ZUCKERMANN, l’un des plus grands cancérologues anglais, membre de la ROYAL SOCIETY, du ROYAL COLLEGE OF PHYSICIANS et du ROYAL COLLEGE OF SURGEONS et anciennement conseiller scientifique au gouvernement britannique, a étudié les résultats obtenus par ANTOINE PRIORÉ, et dans son rapport sur la recherche en cancérologie, préparé à la demande du Premier ministre, s’est prononcé en faveur de la continuation des expériences – qui vont maintenant être réalisés avec une machine plus importante, dont la construction est financée par le D.G.R.S.T.

On peut s’attendre, dans les mois à venir, à de nombreuses découvertes dans ce domaine encore mystérieux de ce que l’on pourrait appeler la bio-électricité. En 1973, il y aura quatre « scientifiques » scientifiques sur le sujet. « Si d’autres chercheurs s’intéressent à ces recherches, et si elles sont accélérées, nous pourrions, en quatre ou cinq ans, obtenir des résultats fantastiques« , conclut le Dr. Becker.

 

ALEXANDRE DOROZYNSKI

 SCIENCE & VIE JUIN 1973